Avant de commencer la rédaction de cet article, il me semblait important d’expliquer brièvement la naissance de ce sujet.
En tant qu’étudiante et en tant que personne, je me suis beaucoup remise en question sur la pertinence de mes études et leurs objectifs finals. J’ai commencé mon cycle supérieur par de la direction artistique, j’ai par la suite fait deux ans en communication graphique avant de terminer mes cinq années d’études en UX design. Ce cheminement m’a permis de rencontrer du monde et d’échanger avec des profils du numérique très variés… J’ai eu la chance dès ma deuxième année d’études d’intégrer le monde professionnel en travaillant dans une start-up, Sunday, sous un format d’alternance. Pour la présenter brièvement, Sunday est une jeune entreprise à forte valeur dont l’objectif est de resserrer les liens familiaux via un objet connecté : la Sunday Box, un petit boitier qui se branche à la télévision des grands-parents pour leur faire profiter des photos de toute la famille. Ce passage au sein de Sunday a forgé beaucoup de choses en moi, à tel point qu’à l’issue de ces deux ans, mon approche du monde professionnel avait beaucoup évolué. J'avais pris conscience de l’importance de la vision utilisateur au sein d’une entreprise et je voulais que mon futur travail prenne pleinement en considération la parole et le regard du client.Au sein de cette start-up, j’ai passé de nombreuses heures au téléphone avec des clients mécontents, mais bienveillants. Avec le recul, je me rends compte à quel point ils avaient une patience à toute épreuve. Ils parlaient avec une graphiste qui ne comprenait pas leurs besoins, mais qui les invitait à enlever et remettre les piles de la télécommande Sunday pour régler le problème. (pour tout avouer, je ne savais pas si le problème serait résolu en utilisant cette solution, mais c’était le seul moyen de leur apporter une réponse immédiate). La plupart de mes interlocuteurs au téléphone étaient des grands-parents (la cible principale de Sunday). Ils représentaient pour moi des exemples, ils prenaient le temps de nous appeler pour résoudre un souci avec un produit défectueux dont ils pouvaient se passer, mais, qui leur avait été offert par leurs familles. L’importance d’être dans une start-up aux valeurs familiales et sociales prenait tout son sens lors de ces échanges. Je tenais donc à remercier ces gens qui ne liront jamais ces lignes, car pour eux, je n’étais que “Noémie de Sunday”. À toi Pascal, André et tous les autres, vous m’avez permis de comprendre l’intérêt de proposer un service et un produit optimisé et adapté à vos besoins.
Avant tout, arrêtons-nous quelques instants sur les trois termes qui vont nous suivre tout au long de cet article : le SAV, l’UX et le SRC.Leurs définitions accessibles sur internet :
ensemble d'opérations effectuées après la conclusion d'une vente afin d'assurer au client l'entretien et la réparation du bien vendu ; service chargé d'effectuer cette assistance. (Larousse)
Le service relation client est chargé de définir une stratégie en vue d'accorder une attention particulière à la clientèle. Le but est d'offrir le meilleur service afin de : répondre à la satisfaction du client, parvenir à sa fidélisation. (https://crm.ooreka.fr/comprendre/service-relation-client#:~:text=Le service relation client est,parvenir à sa fidélisation.)
en français, désigne la qualité de l’expérience vécue par l’utilisateur dans toute situation d’interaction. L’UX qualifie l’expérience globale ressentie par l’utilisateur lors de l’utilisation d’une interface, d’un appareil digital ou plus largement en interaction avec tout dispositif ou service. L’UX est donc à différencier de l’ergonomie. (https://www.usabilis.com/definition-ux-experience-utilisateur-user-experience/)
Notons que ces trois termes n’ont véritablement rien à voir, il me semble opportun de vous présenter mes propres définitions pour simplifier la lecture de cet article.
service de soutien et d’aide pour l’usage d’un outil qui semble défaillant ou dont la compréhension d’utilisabilité est à revoir.
analyse du parcours client afin de lui proposer une expérience de fidélisation optimale pour accroitre son appétence à la marque
analyse du parcours vécu par l’utilisateur sur un service pour identifier les fails d’utilisabilité. (à noter que la définition de l’UX peut être très variable, je vous invite à lire l’article que j’ai rédigé sur la vision de l’UX et la définition que l’on peut lui attribuer en fonction de nos compétences.)Sans dévoiler la suite de ce mémoire nous pouvons percevoir une partie de la réponse dans ces définitions biaisées puisque rédigées par l’autrice de cet article.
Si vous voulez connaitre les fails d’un service ou d’un produit, passez une journée avec un conseiller du SAV.Comme exprimé dans l’avant- propos, j’ai eu la chance de travailler en tant que conseillère SAV pendant mes deux années d’alternance au sein d’une Startup. Sur le moment je ne percevais pas cette chance puisqu’il ne s’agissait en aucun cas de ma fiche de poste, pourtant, aujourd’hui je remercie la pluridisciplinarité qu’impose une Startup, celle-ci m’a permis de vivre cette expérience.Passer des heures au téléphone avec des personnes mécontentes incite au questionnement. La parole des clients est incontestable, l’incompréhension d’un produit l’est encore plus surtout quand celui-ci a payé pour répondre à un besoin. Cet état de fait n’est pas partagé par tout le monde et pourrait conduire à un véritable débat.En tant qu’entreprise, selon moi, il est important de prendre en considération les remarques des utilisateurs mécontents afin d’améliorer son service. Les problèmes collectés par le SAV demandent une certaine réactivité dans leurs résolutions afin de préserver l’image de l’entreprise qui est en jeu. Un client mécontent ne se privera pas de le faire savoir au plus grand nombre via les réseaux sociaux. L’économie de l’entreprise est donc en jeu.Le conseiller SAV doit trouver une solution immédiate pour que le client puisse utiliser le service ou le produit rapidement. A noter, qu’en améliorant le Service après-vente en tant qu’entreprise on améliore d’une certaine manière l’expérience client sur la totalité du service.
Nouer une relation entre l’utilisateur et la marque est l’objectif du SRC, service relation client, en mettant en place des questionnaires de satisfaction ou des systèmes de notation afin de cerner les améliorations à mettre en place. Le Service Relation Client est souvent rattaché au pôle marketing dans les grandes entreprises, il s’identifie souvent par la présence d’un CX, customer experience, qui va être le garant de la bonne expérience vécue par le client. Les réponses apportées par ce pôle sont souvent liées à l’image de marque. En effet, leur travail consiste à moduler le discours de la marque pour redorer son image. Pour simplifier la compréhension, le SRC va donc être là pour rattraper le mécontentement général reçu par exemple sur les réseaux sociaux.On note que la présence d’un SRC dans les entreprises françaises reste encore rare, tout comme les UX, se sont des métiers récents. Tous les dirigeants n’ont pas encore pris en compte l’importance de ce genre de profil au sein de leur entreprise.
En tant qu’UX designer notre travail consiste à détecter les problèmes d’un service pour mettre en place des solutions. Le designer cherche des réponses pour garantir la pérennité et l’amélioration du produit sur le long terme.Au cours de mon alternance à Cultura*, le travail de l’UX designer m’est apparu comme une évidence. Son rôle consiste à écouter et à analyser les problèmes présentés afin de les résoudre.Pour y parvenir, il commence par une longue phase de recherche pour comprendre l’usage du produit par les utilisateurs du service. Cette phase s’appuie souvent sur des ateliers UX afin d’aller à la rencontre des clients. Ensuite des constats sont posés pour identifier les problèmes. Pour terminer, l’UX designer conçoit des maquettes ou tout autre support visuel pour transmettre les modifications à effectuer aux équipes dédiées.
Au sein de Cultura pendant mes deux années en tant qu’UX, mes collègues ont pris le temps de me faire de nombreux feedback lorsqu’ils rencontraient des soucis sur le site afin que je puisse les remonter aux développeurs. C’est l’avantage de travailler dans une grande société B2C, les employés sont aussi des clients.L’UX tout comme le CX deviennent alors les concepteurs de solutions long terme pérennes tandis que le conseiller lui va être l’urgentiste à court terme.En tant qu’UX designer on nous alerte régulièrement sur les biais cognitifs que peuvent entrainer la réalisation d’ateliers ou d’entretiens utilisateurs. Les conseillers du SAV sont aussi affectés par ces biais humains qui peuvent nuire à l’image de la marque et affecter les réponses à apporter. C’est ce que nous allons voir dans la partie suivante.
Lorsqu’un client contacte le SAV l’objectif du conseiller “est de créer un sentiment de sécurité psychologique et émotionnel. Pour y parvenir, il faut systématiquement éviter de créer des doutes. En cas de doute, le cerveau fera la pire hypothèse : la marque est un prédateur qui essaie de me piéger !”*Lorsqu’un client contacte le SAV il arrive souvent avec un sentiment de stress dû à l’incompréhension généré par le bug ou la défaillance, il est important que le client se sente rassurer par quelqu’un qui maitrise le produit.Pour lutter contre ce sentiment d’insécurité et de stress que peut engendrer le bug du produit/service il y a une solution simple à mettre en place : la transparence. En exprimant clairement toutes les informations que l’on a connues sur la défaillance on permet au client d’avoir le même niveau d’information que le nôtre nous. Un client qui se plaint au téléphone d’un produit défectueux mérite de savoir d’où le problème vient et comment le résoudre.Prenons l’exemple de nos fameuse télécommande Sunday, lorsque l’on indiquait au client qu’il n’était pas le seul à rencontrer le problème et surtout que le souci était connu des fabricants, on pouvait percevoir un changement dans l’attitude du client. Certes, il attendait à tout prix un moyen de faire fonctionner son produit, ce que nous ne pouvions pas garantir tant que l’origine du problème n’était pas identifiée, mais, nous étions sur le même palier de connaissance que le sien lui.Finalement la remarque concernant l’importance de ne pas impacter le travail du SRC en tant que designer peut être contestée à la suite de ces recherches puisqu’on note que les conseillers pourraient eux aussi avoir besoin de nos services.Comme exprimé supra plus haut, nous observons de nombreux biais lorsque des clients sont conviés à des ateliers UX. A Cultura par exemple, lorsque nous réalisons des ateliers avec des clients, nous nous retrouvons avec des adeptes de la marque qui ont souvent des idées d’améliorations. Néanmoins ils restent très biaisés par leur appétence à la marque. Nos analyses sont donc à prendre avec des pincettes car non représentative de l’ensemble du ressenti client. Pour que le panel soit complet, il nous faudrait trouver des clients mécontents ou ayant vécu une expérience décevante sur le service.Nous pouvons donc constater qu’en fonction du pôle (UX,SRC, SAV) différents biais sont identifiables et à prendre en compte dans la mise en œuvre du métier de chacun. En tant qu’UX designer, notre travail consiste à recueillir l’avis du client de la manière la plus neutre possible. Néanmoins comme indiqué précédemment, cette tâche n’est pas aisée puisque les ateliers mis en place sont parfois biaisés puisque réalisés par des utilisateurs convaincus par la marque. Il est donc important de mettre en lien les retours clients de tous ces services afin de limiter les avis subjectifs des clients ayant une appétence forte ou complètement détériorée (SAV) pour la marque.
Suite à ces analyses de comportement face au SAV et aux ateliers UX, on note l’importance de combiner ces deux pôles afin d’apporter une amélioration globale d’un service/produit.Selon moi, l’intérêt de cette collaboration est d’améliorer les réponses apportées par les UX designers qui peinent parfois à récolter du feedback constructif sur un service ou un produit. De plus, souder lier ces pôles qui sont parfois incompris au sein d’une société est un bon moyen de leur garantir une vision pérenne au sein de l’entreprise.Aujourd’hui il est difficile de trouver une entreprise qui mélange à la fois l’UX, le SAV et le SRC.
Les bureaux des conseillers du SAV et les UX designers sont souvent trop éloignés. Les designers sont rattachés au marketing ou possèdent un squad indépendant, alors que, les conseillers du SAV sont positionnés dans un service à part (sans parler des entreprises qui délocalisent leur SAV hors de la France)
Lorsqu’une entreprise n’a pas d’UX designer et fait appel à des UX designers Freelance (ou qui travaillent en agence) ces designers n’ont pas la même approche. Pour eux, il va être de leurs initiatives d’aller à la rencontre des conseillers du SAV ou les CX du SRC. Dans ce cas de figure, notons que tous les UX designers ne cernent pas forcément l’importance de cette démarche, ou elle ne figure pas (encore) dans leurs méthodologies. Nous pouvons aussi aborder le sujet du manque de connaissance du métier de l’autre. L’UX design peut sembler très vague pour de nombreuses personnes, c’est un métier qui demande beaucoup de projection et quand on est dans l’action comme un conseiller SAV ce n’est pas évident de cerner la nuance. Comme exprimé plus haut, les métiers du SRC et de l’UX sont relativement récents et donc difficiles à imposer au sein d’une entreprise. Pour plus de détails sur la méconnaissance du métier d’UX designer, je vous invite à lire mon article sur le sujet.On peut noter aussi que l’UX designer peut être mal perçu par le conseiller si au sein de l’entreprise les retours SAV ne sont pas pris en compte dans l’amélioration du service.
Même avec de la bonne volonté, l’échange entre ces deux services demande une certaine rigueur. En effet, l’objectif n’est en aucun cas de ralentir les conseillers qui doivent être sur le front toute la journée pour répondre aux besoins clients. Il est donc important que ce soit le designer qui récolte l’information sans nuire au quotidien des conseillers. À ce niveau-là, tout est à inventer ! Aujourd’hui une bonne méthodologie SAV x UX x SRC n’existe presque pas, ou du moins pas que je sache. Pour ma part, nous avons essayé d’instaurer un Excel de suivi, mais ce n’est très clairement pas une solution viable à long terme, cela demande beaucoup de temps au SAV qui doit compléter le fichier. Pourtant, cette démarche fonctionne bien lorsque nous nous retrouvons dans la phase de lancement du produit/service puisque la volonté de ces deux métiers et de l’améliorer à court terme en priorisant les sujets. Mais comment instaurer une méthodologie à long terme ? Il faudrait pouvoir donner accès au logiciel de feedbacks clients utilisé par les conseillers afin de rendre autonome les designers dans leurs récoltes d’informations. Pour ce faire, il est important que l’UX designer s'immerge dans le travail des conseillers afin de comprendre toutes les démarches. Des échanges réguliers avec l’équipe du SRC peut sembler être une solution pour améliorer la communication entre ces deux services. Cette ébauche de méthodologie est à construire en fonction des besoins de chaque entreprise.
Tout au long de cet article, j’ai tenté de vous convaincre de l’importance de rattacher le SAV, le SRC et l’UX. Mon approche étant construite à la suite de mes expériences professionnelles. Il est possible que celle-ci évolue dès mon arrivée dans une nouvelle entreprise.Toutefois, à ce jour ma conclusion consiste à dire que le SAV peut se passer de l’UX mais l’inverse n’est pas vrai. En tant que designer, il est de notre devoir d’aller à la rencontre de ces secouristes qui connaissent le produit et les clients avec un autre regard. Si un utilisateur vous retourne une fail d’utilisabilité, le problème vient forcément de votre service ou de la réponse que vous lui apportez via vos communications.Comme exprimé plus haut, ma vision fonctionne exclusivement pour une entreprise proposant un service ou produit unique, mon expérience ne permet pas de développer cette vision au sein d’une agence ou pour un designer freelance. C’est pour cette raison, que dans un avenir proche je souhaiterai développer cette méthode en tant que designer freelance. (Contactez-moi si vous avez eu le courage de lire toutes ces lignes 🙂)